poésie
LA PLAINE
C’était immense et lent, c’était glacial et imminent, je n’étais ni vraiment dans le passé ni dans le présent. Je n’étais pas dans le futur non plus, c’était pâle, il y avait le ciel, les arbres, le vent. Il y avait des rayons de soleil pour caresser mes veines en vain. J’entends encore parfois, quand le voile sombre tombe sur mes épaules et mes paupières à la fois, les mélodies murmurées au creux de ma nuque, le long de mes doigts, elles se promènent jusque dans mes hanches, elles me font frissonner, chanceler, elles sont à la fois reines et rois. Méfie-toi, dans ton sommeil, si je m’approche pour fredonner des notes chaudes et acidulées, c’est déjà que le piège sur toi est en train de se refermer.
BSAHA
De l’autre côté de la barrière, c’est le désert. J’y croise le temps qui se démène et son regard de braise. J’avais de la poussière entre les côtes, quand je l'écoutais, il fallait que j'écourte, que je parte en courant ou bien que je me téléporte. J’avais peur, je crois, ou ce n’était pas l’heure, en vrai je ne sais pas. Une fois j’ai touché sa cuisse du doigt, mais une cuisse, ça glisse, tu vois. C’est du sable mouvant. C’est donc ça que je sens dans mon ventre ? Parfois elle est là, parfois pas. Ça m’émerveille. Je suis chanceux quand elle danse sous le soleil. C’est pas la mienne, c’est pas non plus celle des autres.
Finalement peu importe.
FEU
Parfois trop tôt, jamais trop tard. Est-ce que pour être baigné par la lumière il faut d’abord avoir été plongé dans le noir ? Ma rétine a pris feu hier soir, je crois que c’était un peu douloureux. J’ai l’échine qui s’égare dans ton regard à la fois doux lourd et heureux. De mes pupilles pyromanes à mon cœur vallonné, je ne sais même pas jusqu’où les sillons peuvent aller. On m’avait dit Ne vous laissez pas faire, mais laissez-vous aller. Il n'y a jamais eu personne pour me guider à travers les bosses. À toutes les bombes que je désamorce : j’ai tout fait par amour, et rien par force.
AU-DESSUS DE LA MONTAGNE, MA GORGE GRONDE
Pas de perte de temps quand on prend de la hauteur. Opère de là-haut, l’air, le vent, ça te dévore sans consentement. La conscience, le temps, tu vois ? Tu comprends ? Je n’ai peur de rien, pas peur du vide, pas peur du manque. Plus loin, ça tangue. J’ai encore le souvenir de ta langue dans mon ventre. De tout là-haut ça semble si loin, est-ce que je me suis battue pour rien ? Pas de bateau, pas de sangles. On fera sans. Ce sera bien. Un jour le voyage est terminé, le vois-tu sage et déterminé ? On voguera sur les terres minées du terrain vague et dévasté que nos quatre mains maladroites et usées ont pris le temps de dessiner. J’ai tiré sur les cordes de notre histoire pour ne pas finir naufragés, j’ai hissé les voiles, j'ai crié, mais on ne sauve pas tout seul un amour en train de sombrer. Entrez, séchez vos ombres et vos charmes trempés. J’ai la tête et le cœur qui tournent. Les cils gelés et les larmes lourdes. L’orage est passé, les souvenirs restent. Le calme après la tendresse.
SUR LES TRACES DE LA CLAQUE
J’ai toujours su,
qu’est-ce qu’on a voulu me dire ?
À force de lire entre les lignes,
j’entends l’orage les soirs sans nuages,
sur le chemin des nuits sans fin,
j’ai l’écueil qui bat la chamade.
L’intuition sonne mais je ne sais pas quelle heure,
j’ai les yeux flous, la gorge en sueur,
et mes pleurs diluviens ne coulent plus que vers l’intérieur.
J’ai toujours su, y’avait de la suie, impossible de lire,
j’ai jamais noirci autant de lignes,
jamais autant cherché l’erreur,
dans ma tête aucune constellation
ne guide plus aucun de mes cœurs.
J’ai toujours su,
après le calme, la tempête,
après l’accalmie, mes tempes éclatent,
j’ai suivi mes repères à la trace
et perdu la trace du temps qui passe.
**
Trop de tourbillons pour pas assez d’espace, qui veut la paix se prépare à briser la glace, regarde-moi, il faut que tu saches : c’est dans la mer et dans le ciel que les réponses toujours se cachent.
LES DOIGTS CROCHETÉS, LES MOTS COMME DES MARTEAUX-PIQUEURS
Cette nuit, mes cils ont poussé. Ils ont créé une barrière de corail qui empêche les loups de passer. Maintenant, ils déferlent lentement entre demain et hier, avant de repartir hanter les limbes et la poussière. Ancienne terre aride, mes peurs ont passé les années mais n’ont pas pris une ride. Elles étaient cachées sous le sable, enterrées sous les arbres. Il a fallu du temps. Accepter et comprendre. Je sais que tu vois les âmes qui brillent comme des coquilles de nacre et les arbres qui vrillent, happés par le spectacle. J’ai rêvé d’un soleil qui se lève afin d’enjamber les obstacles. J’ai rêvé d’un seul être qui sache comment éteindre les flammes de mon cœur éjectable. Les côtes illuminées, les yeux qui battent et le cœur écarquillé, l’aura vive comme une pupille de verre, je te l’ai déjà dit pourtant malgré ma peine et malgré ma colère : Ferme les yeux afin d’y voir plus clair.
LES YEUX LÀ-HAUT SUR LES ROCHERS
Le chant des vagues a bercé mes angoisses,
elles se sont endormies.
Il y a de l’air marin dans mon oreiller le matin,
le soleil souple caresse mes hanches
et mes yeux étourdis.
Dans l’eau, le temps a recommencé.
Mes rêves se sont tous arrêtés
pour doucement me laisser passer.
Corps trésor et coeur de sirène,
la peau qui s’émerveille,
la langue salée.
Donne-moi la main, tu ne sais pas où je t’emmène,
ce sera à l’abri des problèmes, je te promets.
Bercés par nos coeurs clairsemés,
il fallait suivre un chemin tout tracé en ne s’attendant à rien.
Les rayons de l’océan sont magiques et blessés,
ils renversent les tables et font fondre les reins.
Les doigts dans l’eau abyssale et gelée,
la lumière qui se soulève
et la mer qui s’éteint,
je suis restée jusqu’à ce que le ciel couleur tendresse
s’abandonne patiemment
et rougeoie au lointain.
SUR LES ÉCRANS DÉFILENT MES LARMES
J’ai lu dans le ciel
que les choses se gâtent,
et appris dans les livres
qu’après la pluie
tombent les agates.
Pas de temps pour les regrets,
la météo de l’âme a les paupières closes,
les yeux gris et le cœur révulsé.
Est-ce que c’est un hasard ?
Les pierres, les astres,
la couleur de tes paroles
et le son de ta peau tard le soir.
À quelle heure se réveillent
les frissons et les sonates ?
Comment naissent les révélations
Les discours animés, les corps
et les émotions délicates ?
Portée par la houle,
poussée par le vent,
j’ai lâché la rampe,
j’ai quitté le champ,
peut-être que ça n’avait pas de sens,
mais ça valait le temps.
LE BOIS ET LE BÉTON
Le soleil pointe à l’angle de la raison,
par la fenêtre j’entends l’écume,
le gong et le balancier des saisons.
J’ai le coeur en poupe,
le vent qui bat la chamade,
mes veines ont les bras grands ouverts
face aux feux follets et autres naïades.
Des fleurs sauvages poussent
dans le champ des possibles.
Ils m’ont peut-être pris pour un fou
quand je les ai pris pour cible.
Rien n’est impensable, rien n’est impossible,
j’ai les pieds dans la terre,
et de la sève qui coule au ras des cils.
Nouveau départ, nouveaux refrains,
« J’ai froid partout sauf aux yeux », tu te souviens ?
Mille souvenirs à construire faits de souffles,
de bois et de béton.
Les mots de Sam Cook résonnent dans mon ventre
et dans la maison.
It's been a long
A long time coming, but I know
A change gon' come.
PSAUME 22
Les flammes ont tout dévoré sur leur passage,
dans mon corps possédé,
restent les braises des sons,
des souffles et des images.
J’ai le coeur qui brûle,
l’iris incandescente,
chaque jour c’est le soleil qui me couche,
la nuit, la lune me retient sous sa tente.
Le bonheur a une cadence lente,
la bonne heure, une horloge farouche.
Rends-moi mes armes,
rends-moi mon ventre,
que je garde encore tes secrets dans ma bouche.
J’ai repris mon souffle dans l’eau,
lavé mes péchés contre la roche,
les griffes que j’aurais laissées dans ton dos,
ont la couleur des douleurs ocres.
Mille fois dans ma tête j’ai crié
Eli, eli, lama sabachthani ?
Une fois que la dérive était terminée,
j’ai mis le front au sol pour enfin dire merci.
O2:15
Les yeux illuminés, regarde le ciel, regarde les ombres, au loin tant de douceur balaye l’écume, caresse les ondes. Ce n’était pas un rêve, viens dans mes bras, écoute les battements de mes peurs et le cri strident de mes pas. Je serai là pour murmurer les chants qui savent apaiser les angoisses, je serai là pour rendre les nuits plus douces, faire s’évanouir le temps qui passe, calmer les flots, dompter les loups.
Ni peur du feu, ni peur de me battre,
gravés quelque part dans l’écorce,
les mots résonnent dans cet espace :
« J’ai tout fait par amour
Et rien par force ».
GASPARD
Je suis descendue pour graver les paumes,
murmurer à l’oreille des âmes les incantations et les psaumes,
décrypter dans les yeux les vices et les charmes,
rendre les pleurs heureux,
et faire rendre les armes.
J’ai porté le ciel à bout de bras,
la lune rousse sous mes paupières
a fondu sans savoir pourquoi.
Écoute encore les piétinements de l’hiver,
les larmes lourdes de la neige profèrent des paroles emmêlées
mais ont les pensées claires.
J’ai les mains libres et le coeur baladeur,
merci pour la tendresse,
les astres et les fleurs,
merci pour les nouveaux murmures,
je les ai glissés cette nuit-là
tout contre mes rêves éveillés,
blottis dans le creux de mes bras.
LES SIRÈNES S’ENDORMENT AU CHANT DES DJINNS
Épuisé par la rame,
fatigué par le sort.
Ne pleure pas,
ravale ta rage, viens dans mes bras.
Niche-toi dans le creux de mon cou :
je murmurerai à tes songes
de te laisser des nuits sans troubles,
je dompterai les djinns qui plongent
dans l’eau salée de ton cœur sombre.
Serre-moi fort, respire encore,
l’odeur de magie noire qui gronde ;
épaisse, lourde, vaporeuse et sage ;
emporte tout sur son présage.
Sous mes mains lisses souris enfin,
mes incantations font de l’ombre
aux démons qui t’assaillent en vain.
Regarde-moi droit dans l’âme,
souviens-toi que tu ne crains rien :
je sais noyer la peine et les enfers
dans le feu du destin.
NOS MAINS LIÉES VOGUERONT EN EAUX TROUBLES
À quelle heure se réveillent les songes,
à quelle heure s’endorment les orages ?
En passant ma main sur ta peau,
des fleurs s’allument dans son sillage.
Le soleil a craché du feu,
il brûle vif tous les enfants sages.
En transe dans le cœur du torrent,
j’espère encore survivre aux griffes et aux hommages.
Rattrapée par la rive,
épuisée par le temps,
l’eau n’a pas coulé sous les ponts
mais hier a pris tout son temps.
Les pièces dans les fentes oubliées,
attachez vos mains jointes, parés au décollage.
J’ai vu passer dans le creux de tes yeux,
de l’amour et du sabotage.
ÉBAUCHES FANÉES
Le souffle un peu coupé,
les sanglots se sont écoulés,
mais pas les heures.
Elle a pris mes jambes à son cou,
je rêve parfois un peu,
souvent beaucoup,
mais pas des heures.
Dans la lumière de sa tendresse,
ont rayonné ses lèvres et ses promesses,
mais pas les leurs.
Jusqu’où faudra t-il que je coure
pour enfin savoir où je vais ?
Je sens que sa main triste et douce
est en train de me laisser filer.
Demain ses fossettes sous mes pouces
seront fausses et évaporées.
LA COULEUVRE
J’ai les doigts qui palpitent
Mes yeux qui frôlent les herbes hautes
Dans mes veines ton nom va trop vite
Mon sang s’habille de couleurs chaudes
Ding dong c’est l’heure de se jeter dans le vide
Est-ce que tu te décides est-ce que tu oses
Est-ce que demain tu m’aimeras autant qu’aujourd’hui
Je t’ai tendu la main pour qu’on saute
C’est mon coeur que tu as pris.
L’AMOUR
De quoi sera fait hier
est-ce qu’il sera féérique ?
Dehors j’ai le futur qui brille
et des rêves qui se fabriquent.
Accroche-toi au tableau,
laisse couler l’encre fière,
les douleurs dépassées
ont mangé la poussière.
J’ai vu le passé s’effacer,
le ciel doucement se recouvrir,
un vase et des fleurs fraîches fanées
ont fermé la fenêtre des souvenirs.
De l’autre côté, le soleil tape
à la porte de tes yeux clos,
et dans tes veines à la peau mate,
coule une couleuvre aux couleurs chaudes.
Entends-tu ma voix dans ton dos,
soudain, c’est le bonheur qui frappe,
je t’ai attendu sans un mot,
car le cœur sait ce qu’il attrape.
07.11.23
Novembre,
La lumière court plus vite après le froid,
C’est vrai,
Pourtant j’ai le coeur au soleil
Et les reins réchauffés.
Surprise,
Des poèmes sont nés dans les draps,
Ils ont poussé sur nos âmes emmêlées.
Si l’été s’est bien défendu,
Vois-tu,
C’est l’automne pourtant qui a gagné.
POLICE FUTURA
Souvent j’ai dit que j’avais peur de rien, c’était pas vrai. La nuit dernière j’ai rêvé que le ciel s'évanouissait, que l’univers en souffrance sombrait. La forêt pleure et nos yeux brûlent, construirons-nous des radeaux et des trappes pour fuir sans bruit au crépuscule ? Verrons-nous nos enfants chanter les louanges de nos astres en ruines ? Sous leurs mains petites mais usées, leur monde sera-t-il si solide ? J’ai peur que tout explose, mes mains sont vides, mon coeur est clos. Une porte s’est ouverte sans un mot sur de sombres décombres en nécroses. La violence glisse, la haine embaume, fermons les yeux, claquons des doigts, dans un cauchemar noyé de larmes, tout ça, peut-être, n’existe pas.
PAR-DELÀ LE CIEL ET LE SOL OCRE
Par-delà le ciel et le sol ocre,
la couleur de mes yeux se vide
de son soleil qui flotte.
À l’intérieur de moi c’est le feu,
l’eau ne coule plus à flots,
l’encre et l’effroi me font défaut.
Je suis venue pour tout brûler,
tant pis si j’ai les doigts qui règnent
sur les tombes et les chrysanthèmes,
la colère n’a pas de maître
pourtant
c’est elle qui m’a choisie pour reine.
J’ai crié, j’ai prié, je me suis jetée à genoux,
personne n’écoute les pleurs tout là-haut ?
est-ce que quelqu’un m’entend ?
est-ce que quelqu’un me ment ?
Est-ce qu’on me ment depuis tout ce temps ?
J’étais armée, que fallait-il faire de plus,
j’ai coupé les langues bien pendues,
mes croyances ligotées au bûcher
ont hurlé bien longtemps puis enfin ont fondu.
La bataille fait peur
La mort fait rage
J’ai attendu des secours
qui n’étaient qu’un mirage.
La main tendue,
mon visage rayonnant au milieu de la braise,
quand j’ai rendu mon dernier souffle,
j’ai cru entendre « Sauve-toi toi-même »